Les Voisins et le Mariage

TEXTE DE JEAN HOUNIEU.

Quel était le rôle des voisins plus exactement? Afin de mieux cerner la question, prenons par exemple la préparation d’un mariage à Siros.

Mariage à Siros en 1936

Les voisins étaient invités en premier au mariage et participaient à la préparation de la journée et au repas, ou plutôt au festin servi ce jour-là. Chacun apportait sa paire de poules et de poulets dès la veille, les plumaient et les vidaient tous ensemble. Ils nettoyaient la grange car il y avait foule pour la noce et elle n’aurait pas contenu dans les pièces du rez-de-chaussée de la maison; des draps de lit étaient étendus et agrafés sous le plancher après que les toiles d’araignées aient été enlevées à la «tête de loup» (brosse de crin avec un très long manche).

Le matin de la noce les voisins étaient là pour accueillir les invités et la parentèle des deux futurs époux avec le maximum d’égards. Des bambous, qui avaient été coupés à la Saligue, tapissaient les murs de la grange et les piliers des portails. La table était dressée sur des tréteaux et derrière la place d’honneur réservée aux nouveaux époux un drap de lit placé verticalement sur le mur était porteur d’un message de bienvenue ou de vœux pour le nouveau couple.

Drap de lit porteur de vœux pour le nouveau coupleVœux sur « drap de lit ». Mariage Marie & Anselme Chicoulaa (1945)

Ce message était fait avec des feuilles de laurier-palme attachées avec des épingles sur le tissu. Les voisines avaient préparé le repas avec un menu traditionnel et assuraient le service, tandis qu’un homme, souvent le premier voisin, était chargé d’assurer le service des vins.

À la fin du repas la préparation du café pour tant de monde se faisait de manière «industrielle». La mobilisation de toutes les cafetières du secteur n’auraient pas suffi; un grand chaudron de cuivre était mis sur le feu. Déjà le matin les moulins à café avaient été regroupés et, prévoyantes, les femmes avaient longtemps tourné la manivelle pour moudre. Quand l’eau bouillait, le café y était plongé et presque en même temps une pelletée de charbons ardents étaient retirés de l’âtre. Il se formait alors un nuage de vapeur dans un chuintement caractéristique et le marc de café se trouvait immédiatement collé au fond du chaudron. Avec une louche (sans racler le fond), on remplissait les cafetières et tout le monde était servi en suivant à la satisfaction et à l’admiration générale. Les tables et les bancs étaient repoussés contre les murs libérant un espace converti ainsi en salle de bal et, dès les premiers flonflons tirés d’un accordéon par le musicien, qui du pied actionnait aussi une grosse caisse avec ses cymbales, les invités se mettaient à danser.

Les voisins se retrouvaient dans la cuisine pour prendre leur déjeuner et il était souvent quatre ou cinq heures de l’après midi quand ils commençaient à faire un mauvais sort aux restes abondants du festin qu’ils avaient servi. Le lendemain ils revenaient pour remettre tout en ordre et ranger tout ce qui avait été bousculé, mais aussi et surtout pour faire plus ample connaissance avec le nouvel arrivant. Pour le reste du village la curiosité était de mise le lendemain. La mariée était-elle bien? Si la réponse était «elle est bien gentille» on pouvait être sûr qu’elle n’était pas un «canon de beauté». Il faut faire remarquer que si les festivités du mariage se déroulaient hors du village, les voisines restaient à la maison et seuls les hommes étaient invités.

La cohabitation qui était de mise débutait le soir même, le voyage de noce était une utopie romantique, et dés le premier jour il fallait déployer des trésors de diplomatie pour maintenir un climat serein au cœur de la famille. Des qu’une grossesse était présumée la grand mère allait annoncer en grand secret la bonne nouvelle à ses voisines. Pour la cérémonie du baptême, seules les femmes étaient invitées, et le repas servi dans l’opulence fêtait l’arrivée de l’aîné. Il n’était pas rare que pour célébrer le baptême du troisième ou du quatrième, on ne se contente de pain et de fromage, et d’un maigre café. Enfin, les voisines étaient invitées aussi aux communions, la petite et la solennelle.

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